Un p'tit clébard - Pierre Perret

Il n'avait jamais rien eu,
Rien possédé d' sa vie,
Aussi nu à soixante piges,
Que le jour où il naquit.

L'avait jamais eu de frigo,
Ni vaisselle, ni tableaux,
Et même en guise d'Aubusson,
L'avait qu'son paillasson.

Lisant avec gratitude,
Cent ans de solitude,
Un chant d'oiseau dans le ciel
Remplaçait son Pleyel.

Mais un beau jour subito,
Le gros lot du loto
Fit que le monde vint lui dire :
- Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ?

- Moi j' veux un chien, un p'tit clébard, je m' fous de la marque,
Disait le papy, soudain cossu comme un monarque.
Un chien abandonné par des gens sans cervelle,
Et que la S.P.A aurait pris sous son aile.

Je veux un chien, un p'tit bâtard sans estampille,
Qui s'rait en somme, comme qui dirait toute ma famille.
Surtout ne pensez pas que je m' méfie des hommes,
Mais d'amitié, les clébards sont moins économes.

Les gérants de son empire
Furent tous écroulés de rire.
On lui ach'ta un kimono,
Un château, des chevaux,

Un beau perroquet malais
Qui s'exprime en anglais,
Un superbe chat de Perse
Qui coûte la peau des fesses.

On l'am'na à Marengo
Y déguster du veau.
Il acquit près de Cuzco,
Les montagnes et l'écho.

Quand son secrétaire habile,
Front soucieux dit : " Monsieur
Quel nouveau plaisir peut-il
Trouver grâce à vos yeux ? "

- Moi j' veux un chien, un p'tit clébard, je m' fous de la marque,
Disait le papy soudain cossu comme un monarque.
Un chien abandonné par des gens sans cervelle,
Et que la S.P.A aurait pris sous son aile.

Je veux un chien, un p'tit bâtard sans estampille,
Qui s'rait en somme, comme qui dirait toute ma famille.
Surtout ne pensez pas que je m' méfie des hommes,
Mais d'amitié, les clébards sont moins économes.